Suite et fin...
Si vous n'avez pas lu le début, voici la partie 1 et la partie 2.
Je ne sais pas comment je vais réussir à arriver jusqu'au parc à vélo alors je n'y pense pas. Je me concentre sur chaque coup de pédales. J'ai l'impression qu'à chaque fois que j'appuie, ce sera mon dernier effort et que je vais m'écrouler, à l'arrêt. Mais je ne veux pas m'arrêter sur le bord de la route pour souffler, je sais que je ne repartirai pas. Je m'autorise seulement à poser le vélo aux ravitaillements.
Au bout de longues minutes, j'entrevois enfin le ravitaillement de la Garde. Je pose mon vélo et m'assois, la tête entre les mains. Mes parents sont venus m'encourager et viennent à côté de moi. On s'échange peu de mots car ils sentent bien que je n'ai plus la force. Je pense plus à rien, prostré devant la pente trop difficile à dompter.
Mais il faut repartir, je n'ai pas encore livré toutes mes forces dans la bataille.
Je remonte sur le vélo en me disant que les pourcentages vont être plus cléments et me permettre de ne pas être à l'agonie. Mais quand on est cuit, rouler sur des pentes à 7% me donne la même sensation que sur du 10%. Je prends alors un coup au moral. Si je ne peux pas souffler un peu ici, je sais que je ne le pourrai plus jusqu'au sommet.
Je me fixe comme objectif le prochain ravitaillement où je me repose de nouveau une dizaine de minutes.
Il ne me reste plus qu'une poignée de kilomètres, je suis à un rythme d'un escargot asthmatique mais j'entrevois une lueur d'espoir. Même si l'effort, à ce rythme, va être encore long, je pense maintenant pouvoir enfiler mes runnings... Ensuite ? On verra...
J'entre enfin dans la ville. Pour moi, à ce moment, le plus dur est fait.
Une fois ma transition effectuée, je suis surpris de pouvoir partir en courant. La première partie est roulante et je me sens plutôt bien.
Mais arrive la côte qui mène à l'altiport, cela me demande alors trop d'efforts pour continuer de courir et décide de la monter en marchant.
Lors de cette première boucle, je parviens à courir sur tout le parcours sauf lorsque cela monte.
Dans la deuxième boucle, je n'ai plus la force pour courir même quand le parcours est plat. J'alterne marche et courde et je trottine lorsque je suis en descente.
Le troisième tour est le pire. Même marcher me demande un effort conséquent. Je commence à me mettre dans ma bulle. J'ai la sensation de plonger au plus profond de moi pour aller chercher la moindre parcelle d'énergie. Mes parents que je croise me parle, je leur répond mais ils me semblent être loin. Je veux rester seul dans cette bulle qui me donne encore la force d'avancer. C'est la première fois que j'ai cette sensation. J'ai mal aux jambes, je n'ai plus d'énergie, mais je ne souffre pas réellement ou alors je me plais dans cette souffrance. Je ressens réellement mes limites et cela m'excite à devoir les dépasser.
J'ai la sensation que je n'ai plus de barrière émotionnelle. J'ai envie de pleurer...sans raison, ni à cause de la fatigue, ni à cause de mon mal aux jambes, juste parce que je n'ai plus aucune barrière pour retenir mes larmes.
J'ai envie d'en finir avec cette course mais en même temps, je veux rester dans cette bulle, dans cette introspection émotionnelle.
La ligne d'arrivée approche. Cette réalité me fait ressortir de ma bulle. Je retrottine et aperçois Fabrice Pion, licencié au même que club que lui (USG Nouâtre), qui m'a donné envie de me mettre au triathlon. Il m'attend derrière la ligne d'arrivée. J'ai hâte que cela se termine et en même temps, j'ai trouvé ça trop court.
Je passe la ligne, félicité par Fabrice.
Cette course, c'était il y a plus de 10 ans, et je n'ai jamais ressenti à nouveau ces mêmes sensations, de devoir aller chercher aussi profondément en moi pour continuer à avancer... Même à Embrun où j'ai aussi beaucoup souffert.
Retrouvez l'histoire de Thierry qui se lance le défi de terminer l'Embrunman pour son premier triathlon : Un Triathlon...mais à quel prix ?
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Fabrice Pion (jeudi, 02 août 2018 19:43)
Eh oui, que je m'en souviens aussi... Faut dire que venir faire le long de l'Alpe avec ta "jeunesse" dans ce milieu, et avec cette saloperie de montée de l'Alpe (que j'adore par ailleurs)... Waouuuuh, ben, fallait y croire. Chapeau boy !